Notre histoire

Un premier projet

En Aout 1847, l'ingénieur des ponts et chaussées Bréart de Boisanger, publiait une note sur le projet d'irrigation dans la vallée de l'Orbieu, entre Caumon et Marcorignan. Après avoir fait un estimatif des eaux disponibles dans la rivière, il en conclu que celles ci sont suffisantes pour irriguer 1200 hectares jusqu'au 25 juin, et 600 hectares en toutes saisons.

En effet, bien que l'année mesurée soit "remarquable par la rareté des pluies", il note un débit de l'Orbieu supérieur à 2m3/s du 1er janvier au 15 mai, un débit supérieur à 1,2m3/s du 15 mai au 22 juin, et compris en moyenne autour de 0,7 m3/s du 25 juin au 1er aout. "Un jaugeage exécuté le 6 août près de Ferrals nous a indiqué 0,65 m3/s, et au dire des riverains on voit rarement les eaux aussi basses".

Ces données, bien que légèrement supérieures, sont bien corrélées avec celles relevées aujourd'hui. Le régime Méditerranéen du cours d'eau n'a pas changé. Si l'eau est abondante en hiver, voire tumultueuse et torrentielle, elle devient plus rare en été.

Toujours d'après Bréart de Boisanger, les cultures les plus exigeantes nécessitent un débit de 1l/s/ha soit de quoi "recouvrir toute la surface du sol d'une nappe de 12 centimètres d'épaisseur tous les quinzes jours". Mais la moitié seulement suffirait pour les moins exigeantes.

Un autre projet de dérivation des eaux de l'Aude prévoyant de desservir la rive gauche de l'Orbieu, il serait alors possible d'utiliser les eaux de l'Orbieu pour irriguer la rive droite de Luc jusqu'à Marcorignan. L'ouvrage le plus important serait un barrage de 1,5m de hauteur dans le lit de la rivière en amont de Caumont. "Le tracé passerait près de cette propriété" en décaissement, "au cap des Rocadous, suivrait à peu de distance la droite du chemin de Luc, traverserait le torrent de Luc au dessus de la niche de Notre Dame, contournerait le côteau pour aller passer près de Prat de Bosc et de la croisade du chemin de Bizanet, Fontfroide et Boutenac, s'appuierait sur le mamelon de l'ancien moulin de Pramelong et traverserait la rivière d'Aussou et le chemin de Bizanet en face les carrières de plâtre; il longerait ensuite le chemin, passerait au dessus des auberges et traverserait la route départementale n°24 près de la borne 14k5 pour suivre à mi-côte à 200 mètres environ de la route au-dessus de Villenouvette et de la bergerie Théron, jusqu'à la route Royale n°113, qu'l traverserait près du col de Mède; il longerait ensuite le pied du côteau de Névian, donnerait l'eau à ce village et toucherait la métairie de Lamothe, en se dirigeant sur Marcorignan où il aboutirait". Des ponts aqueducs seraient construits sur l'Aussou, le Ripallou et le Tourrenc de Luc.

Toute l'étendues de terres situées en dessous du canal seraient irrigables par voie gravitaire, se qui représente 1600 hectares. La longueur du tronc principal serait de 22 kilomètres, celles des filioles de distribution 10 kilomètres. Un moulin utilisant une chute de 3 à 4 mètres pourrait être installé au passage de l'Aussou.

Nous remarquons aujourd'hui que le tracé actuel est exactement celui décrit, mis apart qu'il s'arrète au village d'Ornaisons.

Le phylloxera

Le phylloxera est une petit insecte d'origine Américaine. Il existe sous plusieurs formes au cour de son cycle biologique, dont:

C'est cette dernière forme qui est mortelle pour la vigne en trois ans. Leurs piqûres sur les jeunes racines provoquent la formation de tubérosités, qui, par la suite, s'infectent et précipitent la mort du pied. Les moyens de lutte employés sont de quatre sortes:

Les premières apparition de ce fléau en France ont eu lieu dans le gard à Roquemaure en 1863, en 1865 dans la plaine de la Crau près d'Arles puis à Bordeaux en 1866. Selon les années, le climat et la région l'infestation progresse de 30 km / an. A cette époque le seul moyen de lutte connu et efficace est la lutte par submersion.

En 1887 les propriétaires de Luc et d'Ornaisons connaissent la misère, le phylloxéra faisant des ravages dans les vignes. Ainsi s'exprimaient ils: "Le syndicat n'entrera pas dans de longs détails, votre administration sait que pour nos régions devant le phylloxéra, la submersion est la seule branche de salut ..." Ce fléau menaçant l'économie de toute une région, déjà basée sur la viticulture, les dernières réticences furent levées et l'on décida la création d'un canal de dérivation des eaux de l'Orbieu.

Des avant projets furent étudiés par les ingénieurs des ponts et chaussées de Narbonne entre 1882 et 1886. En 1865 le gouvernement faisait voter une loi donnant naissance aux Associations Syndicales Autorisées afin de requérir la participation des futurs bénéficiaires et provisionnait des fonds.

Grâce aux efforts d'Adolphe TURREL, vigneron d'Ornaisons, Député Maire d'Ornaisons, puis Ministre des travaux publics, une loi autorisant la prise de 1200 l/s sur l'Orbieu et subventionnant les travaux du Canal de Luc fut votée le 31 juillet 1888. En novembre 1890 la mise en eau fut un succès.

L'irrigation

La submersion fut immédiatement pratiquée pour lutter contre le phylloxéra, mais très vite on s'aperçût que toute cette eau répandue sur la terrasse s'infiltrait dans le sol et surchargeait la nappe phréatique existante au point de faire déborder les puits.

Avec l'apparition des premiers portes-greffes résistant au phylloxéra, à partir des années 1870, et leur généralisation vingt ans plus tard, la submersion hivernale fût arrêtée, mais le Canal continua d'alimenter la nappe phréatique, dans une moindre proportion cependant.

Les basses Corbières sont caractérisées par un climat méditerranéen particulièrement sec avec de faibles précipitations très irrégulières, des étés chauds et des vents très asséchants. La nature caillouteuse et filtrante des sols de la plaine de Luc-Ornaisons accentue encore le phénomène. Les rendements sont aléatoires et sont fortement influencés par les pluies. Les cultures ne peuvent s'y accommoder ni de trop de précipitations ni de longue sécheresses. Dès lors, la destination du Canal fut l'irrigation estivales par voie gravitaire.

Durant tout le XX° siècle, le mode de fonctionnement du Canal ne variera guère. Dès la fin de l'hiver et sa période de chômage, le canal est remis en eau afin de remplir au plus tôt la nappe phréatique, qui maintenant fournit également l'eau potable des village d'Ornaisons et Luc, et des eaux brutes à la cave coopérative et à la distillerie. A la fin du printemps, puis en été si l'étiage de la rivière le permet, les vignes sont irriguées, par voie gravitaire, puis avec l'apparition des tracteurs par pompage et aspersion au canon. Le manque d'eau arrête ce fonctionnement en été. Et ce n'est qu'après les vendanges avec les premières pluies et la remontée des eaux que le maintient de la nappe se poursuit, les vignes n'ayant plus besoin d'être irriguées à cette époque.

Un nouveau mode de fonctionnement

En cent ans d'existence, le mode de fonctionnement du Canal a bien évolué: de la submersion hivernale pour éradiquer le phylloxéra, à l'irrigation estivale de la vigne par voie gravitaire puis par aspersion, au maintient d'une nappe phréatique perchée dont les eaux sont distribuées à l'industrie agro-alimentaire et à l'alimentation humaine. Connaissant la géographie locale, le développement démographique et urbain, l'importance économique du Canal n'est plus à démontrer. Afin de renforcer ce système, un Syndicat Mixte intégrant les communes de Luc sur Orbieu, Ornaisons et Boutenac, la cave coopérative, la distillerie coopérative et l'Association Syndicale Agrée a été créé en janvier 1989.

Diverses études sur l'importance et le mode de fonctionnement de la nappe ont été menées en 1986, 1994 et 2006-2008. Celles-ci ont confirmé un siècle de constations. Gérard DAMIAN, ingénieur hydrologue de la compagnie du Bas-Rhône Languedoc, a en ainsi prouvé sa singularité et son implication directe dans la vie économique locale.

En 2008, à la faveur d'une évolution statutaire, la commune de Lézignan Corbières rejoint le Syndicat Mixte pour la gestion de la prise d'eau sur la rivière Orbieu dont le plan d'eau associé influe très significativement sur les puits d'alimentation en eau potable de cette commune.