Adolphe TURREL

1856 - 1945 : Politicien – Député de l’Aude – Ministre des Transports

Adolphe TURREL est un homme politique français né le 28 mai 1856 à Ornaisons et décédé le 19 décembre 1945 à Ornaisons. Après des études de Droit il devient avocat et entre au Conseil d'Etat en 1880. Elu Député de l'Aude de 1885 à 1898. C'est un républicain modéré. Ministre des Travaux Publics du 29 avril 1896 au 28 juin 1898 dans le gouvernement Jules Méline. Il signe la loi du 12 novembre 1897, qui crée la gare d'Orsay, la Loi du 30 mars 1898 créant le métro de Paris. Dans le Midi, par la Loi du 27 novembre 1897, le rachat par l'État du Canal du Midi, aux descendants de Paul RIQUET.

Naissance

Adolphe Jean Eugène Napoléon TURREL nait le 26 mars 1856 à Ornaisons. Né en pleine gloire Napoléonienne, il hérite de ce prénom d'un père acquis aux idées de Napoléon III, comme l’étaient la plupart des familles bourgeoises du Narbonnais. Ce prénom nuira énormément au Député Républicain. Ses adversaires de tous bords s’en délecteront et des écrits satyriques le surnommeront « Napoléon Ficélou ».

Dans ce temps là le Languedoc connaît une période de prospérité. Elle attire une nombreuse population en provenance de l’arrière pays ainsi que de nombreux ouvriers locaux qui voient dans la vigne un moyen de devenir rapidement propriétaire foncier.

Les ancêtres d’Adolphe TURREL étaient bergers dans les communes voisines de Bages, Narbonne ou Montredon. Au fil du temps ils deviennent fermiers de grands domaines puis viticulteurs et propriétaires.

Les parents du jeune Adolphe sont cousins au troisième degré, ils portent tous deux le patronyme TURREL et ont chacun un père Maire du village qui les a vu naître. Ornaisons pour l’un, Montséret pour l’autre.

Enfance

Dés son plus jeune âge Adolphe TURREL est mis en pension dans un austère lycée de Carcassonne. L’enfant supporte mal cette situation. Sa santé s’étiole. La perte de son père alors qu’il vient d’atteindre sa dixième année aggrave ses difficultés.

Sa mère et lui décident d’aller vivre à Narbonne près d’un lycée aux méthodes moins drastiques. L’admiration qu’il porte à son nouveau voisin, l’abbé Prats (savant autodidacte un peu original) le réconcilie avec la connaissance. Il parfait ses études à Montpellier puis à Toulouse et se retrouve à Paris en septembre 1873 pour terminer ses études de Droit.

A peine arrivé dans la capitale le jeune étudiant est impressionné par les reliefs de la dernière guerre et les bouleversements provoqués par la Commune. Il ne tarde pas à tourner le dos aux convictions familiales pour embrasser le courant Républicain. Dans le contexte contemporain le mouvement Républicain est un symbole progressiste voire Révolutionnaire qui s’oppose au monarchisme représenté par la politique de Mac Mahon.

Députation

En 1880, son diplôme d'avocat en poche, c’est comme auditeur au Conseil d’Etat qu’Adolphe TURREL va mettre son nouveau talent d’orateur au service de ses ambitions politiques. La République qui deviendra plus tard celle des « Instituteurs » est alors la « République des Avocats » (sur 560 députés 229 sont des juristes parmi lesquels on dénombre 149 avocats).

Elu Député de l’Aude de 1885 à 1898, il compte, à 29 ans, parmi les plus jeune députés de France.

Il devient ainsi Secrétaire de divers bureaux et membre de la commission des douanes durant deux mandats ainsi que de celles de la réforme générale des impôts, des colonies et du budget pour les années 1896 et 1897.

Siégeant à la Chambre sur les bancs radicaux il est considéré comme un parlementaire très actif. « Républicain radical fougueux doté d’une éloquence enflammée et hardie, il clame sa foi en la République ainsi que son désir de progrès social et sa sollicitude pour les vignerons du Midi. » ( Dictionnaire des Députés ). Cependant il ne cesserra de ferrailler contre les Socialistes Narbonnais, mais aussi contre les Radicaux et Léon CASTEL qui sera élu maire de Lézignan-Corbières et Député Radical-Socialiste de l'Aude. C'est un républicain très modéré, qui s'appuie sur les conservateurs et ménage les parlementaires cléricaux.

Usant d'un document confidentiel en 1898 son élection est invalidée. Il ne retrouvera plus son mandat de député.

Travaux

Adolphe TURREL est à la base d’un important appareil législatif qui, dans les années 1880-1900 va définir le caractère juridique de la production et de la commercialisation de la production viticole.

Sur ce plan, l’action d’Adolphe TURREL s’inscrit dans le cours des vingt dernières années du XIX° siècle. Cette période voit se développer l’Agrarisme (mouvement de protectionnisme commercial) qui se traduit pour notre Député par de nombreuses mesures dont celles qui résultent de la loi cadre sur le régime des boissons. On peut citer celles visant à repousser les accords franco-turc et demandant le relèvement des tarifs douaniers, le rapport de la loi du 24 juillet 1894 sur l’alcoolisation et le mouillage des vins ainsi que le vote de la loi du 6 avril 1897, dite « loi TURREL » sur la fraude des vins et le relèvement de la fiscalité frappant les vins de raisins secs et les vins artificiels (il était alors Ministre des Travaux Publics).

C’est aussi cette démarche agrarienne, dont il est le représentant, qui est à l’origine de la création du Crédit Agricole et du vote de lois sociales privilégiant la terre.

La région Languedoc lui doit entre autres le rachat par l’Etat du Canal du Midi aux descendants de Paul Riquet et du canal latéral de la Garonne qui permit l’abaissement des tarifs sur les chemins de fer du Midi (loi du 27 novembre 1897).

Gouvernement

Adolphe TURREL sera ensuite nommé Ministre des Transports Publics du 29 avril 1896 au 28 juin 1898 dans le gouvernement de Jules Méline.

Dans cette fonction il a laissé de nombreuses traces. Parmi les réalisations les plus remarquables on citera :

Il se pencha aussi sur de nombreux problèmes dont celui de la sécurité dans les mines, des ponts et chaussées, etc.…

A l’international on retiendra surtout la renégociation des traités commerciaux entre la Grèce et la Turquie ainsi que le rapport sur la loi du 8 août 1893 concernant le régime des étrangers en France et la protection du travail national. Concernant les questions coloniales on soulignera la création du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis et les divers rapports sur les budgets coloniaux.

Lors de la réception du tsar Nicolas II il est chargé par le Président Félix Faure d’organiser la réception de la famille Impériale à Paris. A cette occasion il a l’honneur de poser la première pierre du pont Alexandre III et de l’Exposition Universelle de 1900 le 7 octobre 1897. A cette occasion il reçoit du tsar le Grand Cordon de l’Aigle blanc de Russie. Cette distinction viendra rejoindre la grand-croix de l’Etoile noire de Bénin qui lui avait été remise quelques années auparavant.

Tramways de l'Aude

La création des tramways de l’Aude mérite une attention particulière. Convaincu de l’intérêt économique des lignes ferroviaires la France commence à se doter de lignes secondaires.

La présence au Ministère d’un élu Audois aurait pu favoriser le développement local d’une ligne secondaire de 40 kilomètres reliant Durban à Lézignan. Elle aurait alors été concédée à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi qui exploitait déjà celle de Bordeaux à Sète. Mais le Conseil Général avait déjà élaboré un projet de tramway à voie métrique.

Devant les difficultés techniques et le coût d’une ligne secondaire, Adolphe TURREL signe le Décret d’utilité publique le 25 mars 1898 pour 10 lignes de tramway dont celle de Thézan Villedaigne qui doit passer par son village natal Ornaisons. Le projet n’aboutissant qu’en 1905 ( TURREL ne fait plus partie du Gouvernement à ce moment là ), c’est la ligne Thézan Narbonne qui voit le jour avec la création d’une gare à Bizanet. Le projet de création d’une gare à Ornaisons est abandonné. L’avenir donnera pourtant raison au projet de ligne à voie normale. Rentabilisé par les transports de marchandises il aurait certainement empêché l’effondrement financier que connu le tramway.

Vie familiale

Vers le début de ses mandats électoraux Adolphe TURREL avait fait un riche mariage le 23 mai 1888 à Paris en épousant Cécile Jouslain. Cécile est la fille d’Alphonse Jouslain Maire de St Jean d’Angély ( Médecin de profession ) et de Marie Cécile Duport issue d’une des plus importantes familles de la bourgeoisie charentaise.

Déjà doté d’un solide héritage ainsi que d’une certaine adresse dans la gestion de son patrimoine Adolphe TURREL est considéré dans son fief électoral comme un riche et puissant propriétaire. L’énergique défense des intérêts du vignoble languedocien se conjugue bientôt, aux yeux de ses détracteurs, comme un combat farouche pour préserver et développer les siens propres. Vigilant de ses deniers il devint au début du XX° siècle un riche viticulteur des Corbières.

L’invalidation de son élection de 1898 va sonner la fin de sa carrière politique et le début d’une campagne de délation d’autant plus violente que la crainte de ses adversaires de le voir revenir aux affaires est forte. Elle ira jusqu’à faire retirer le 28 décembre 1901 la plaque apposée en son honneur le 8 décembre 1896 par la mairie d’Ornaisons confirmant l’adage que nul n’est prophète en son pays. Pour occuper sa retraite politique Adolphe TURREL va se consacrer à la viticulture.

Il découvrira un procédé de lutte contre le mildiou par le plâtre cuprique qu’il déposera au Tribunal de Commerce de Narbonne sous la marque « Sulfo-gypse ».

Ayant perdu toute influence auprès des gouvernements qui se succèdent et auxquels il adresse régulièrement de nombreuses doléances en faveur de la viticulture, Adolphe TURREL s’occupe de la transmission de son patrimoine à ses enfants avant de s’éteindre au bout d’une longue vie, le 21 décembre 1945 dans sa maison d’Ornaisons.


Jean-Marie delli PAOLI